lundi 7 mars 2011

Kaluga - Mars 2011

Привет,

Как дела?
Mon tout premier voyage en Russie est prévu en mars 2011. Mars, ce n’est pas la bonne période, c’est encore le plein hiver, pas encore le dégel (le dégel c’est pire, je l’apprendrai plus tard).
Nous partons avec 2 collègues pour une petite semaine.
Je me prépare à ce voyage comme je le peux : doudoune, gants, j’achète même un bonnet pour l’occasion. J’emmène avec moi mes vêtements les plus chauds : gros pulls,  grosses chaussettes, chaussures à semelle épaisse.
Le vol n’est pas si long mais arrivés à Moscou, il va falloir transiter plusieurs fois avant d’atteindre Kaluga, où nous logerons.
Après 4h30 de vol, nous arrivons à l’aéroport Sheremetièvo de Moscou. L’accueil à la douane est glacial, nous ne sommes pas les bienvenus en Russie malgré notre Visa en bonne et due forme.

Le Visa, ça aussi c’est toute une expérience. La première fois, je passe par une agence spécialisée à l’autre bout de Paris. C’est cher mais efficace et rapide. Je suis dans les temps donc je peux sous-traiter. Lors de ma 2nde demande de Visa, je ne suis plus dans les temps. Il va donc me falloir aller moi-même à l’ambassade de Russie boulevard Lannes. Le grand bâtiment en béton gris ressemble à un bunker et est accueillant comme une porte de prison… Une heure avant l’ouverture des guichets de demandes de visas, une longue file d’attente s’est déjà formée devant les grilles. Je me décourage vite mais je n’ai pas le choix, je rejoins la queue, composée de personnes inquiètent qui reviennent pour quelques-unes pour la 2nde ou même 3ème fois à cause de documents manquants… Je commence à paniquer et je vérifie consciencieusement les documents que j’ai rassemblé. Comme les guichets ferment à 12h, le personnel de l’ambassade ferme les grilles à 11h. Je suis parmi les dernières personnes autorisées à rentrer dans le bâtiment qui me semble de plus en plus austère. Là, pendant la fouille, le militaire ( ??) en uniforme des années soviétiques (vous vous souvenez de leurs casquettes si larges ?), me montre une pancarte avec un téléphone portable barré. Je m’exécute et éteins mon Blackberry, sans ça, j’ai l’impression que ça pourrait être interprété comme un manquement à quelque chose que j’ignore, et que je vais me retrouver au goulag. Si ça se trouve, il y en a un dans l’ambassade. Une personne dans la file d’attente en a témoignée (je plaisante… quoique, on ne sait jamais…).
Des personnes ressortent en râlant, il manque un document ou alors leurs photos ne sont pas réglementaires. Mais selon quelle règlement ? Bref, après encore près d’une heure d’attente devant les guichets aux décors des années 80, celle de la Pérestroïka, j’arrive enfin devant la préposée aux demandes de Visa. Elle n’est évidemment ni aimable, ni souriante, ni serviable. Elle ne parle ni français ni anglais ni rien. Elle communique de façon glaciale par gestes de manière énervée et exaspérée. Respect max… Comme 2/3 des gens dans la queue devant moi repartent avec tous leurs documents en râlant, j’arrive devant elle les jambes tremblantes. Grosse erreur, je n’ai pas collé ma photo sur la fiche de renseignements, elle râle, me fait signe de la coller, je vois un tube de colle sur une table à quelques mètres, je m’envole littéralement pour la chercher, je souhaite éviter de refaire la queue après le collage, je colle ma photo réglementaire sur la fiche réglementaire devant elle. Elle lève les yeux au ciel, prend ma fiche et mes autres documents, les vérifie, me regarde, me fait signe d’aller remettre le tube de colle réglementaire sur la table réglementaire. Si je n’avais pas compris avant qu’on n’était pas là pour rigoler… je l’aurais compris à ce moment-là … Tous mes documents réglementaires sont réglementaires. Elle me file un papier et me fait signe d’aller au guichet suivant pour payer. Bah oui, c’est en plus qu’il faut payer pour se faire humilier. Quelques dizaines d’euros plus tard, je ressors tellement soulagée avec mon bon de retrait. L’ambassade de Russie a mon passeport, ça ne me rassure pas… Je reviendrai quelques jours plus tard dans cet endroit si chaleureux, sans faire la queue, pour récupérer mon passeport dans lequel l’ambassade aura collé mon 2nd visa réglementaire. Je retourne au bureau en début d’après-midi le moral au plus bas. Mes chefs me regardent arriver tard énervés en regardant leur montre. Evidemment, je suis coupable sans jugement ni même sans m’être expliquée. J’ai tort, évidemment.
Finalement, le voyage prévu en juillet pour lequel il me fallait ce visa est annulé. Comment perdre à la fois son temps, son argent et son honneur…

A l’aéroport, nous prenons le train Aéroexpress qui nous dépassera à la gare Keievskaïa (de Kiev) en centre-ville de Moscou en 30 min. Nous achetons nos billets à une caisse automatique, pas de relations avec l’autochtone pour l’instant ! Le train est très moderne, bien plus large que nos trains français ce qui est plutôt pratique pour traîner nos grosses valises dans l’allée centrale. Après 30 min, nous atteignons Moscou, grande ville grise sous un manteau de neige grise sous un ciel gris. De quoi nous mettre de bonne humeur…
Pour prendre notre train vers Kaluga, il nous faudra changer de gare en métro. Nous achetons nos billets de métro à des caisses automatiques prises d’assaut. Nous en profitons pour acheter plusieurs billets, qui nous servirons aussi au retour. Nous transitons donc en métro de la station de la gare de Kievskaïa à la station de la gare de Bielorusskaïa (de Biélorussie), à seulement quelques stations sur la même ligne. Une voix nous annonce le nom de chaque station de métro mais nous n’y comprenons rien, nous n’entendons que des « blablablablablablaskaïa », nous nous regardons en nous marrant. Heureusement que tout le trajet est matérialisé par des lumières qui clignotent sur un panneau au-dessus de chaque porte (tout comme dans le métro parisien sur certaines lignes). Nous ne nous perdons pas, miraculeusement ! Nous nous sentons complètement analphabètes à cause de l’alphabet cyrillique.
Arrivés à la gare de xxx, il nous faut acheter nos billets pour le prochain train vers Kaluga. La file d’attente est longue et avance très lentement. Là, ça se complique : il faut parler à une dame de la SNCF russe qui n’est pas payée pour être aimable, serviable ou souriante ! Nous lui parlons avec les mains, nous lui donnons nos passeports pour qu’elle prenne nos noms, nous lui disons « Kaluga », « tran » pour train.  Elle finit par comprendre après quelques grimaces et des soupirs. Première victoire en pays russe : nous avons nos billets de train ! Nous traversons la grande avenue à côté de la gare pour atteindre un resto dans un centre commercial dans lequel nous attendrons quelques heures avant le départ du train.
Le service n’est pas des plus efficace alors qu’ils sont nombreux et nous tous seuls. Les menus sont en anglais et avec des images (double ouf). Les prix sont moins élevés qu’en France mais quand même pas si bon marché compte tenu du pouvoir d’achats des consommateurs russes.
Nous finissons par arriver sur la voie de départ de notre train vers Kaluga. Ici, pas de compostage automatique mais des employés du rail qui vérifient chaque ticket à l’entrée de chaque voiture : pas de fraude possible et de nombreux emplois. Là encore, les voitures sont beaucoup plus larges qu’en France. Les sièges sont très confortables (on est en 1ère classe aussi) et les allées suffisamment larges pour trainer sa valise. L’ensemble est très vintage : le tissu des sièges est imprimé marronnasse et il y a des rideaux en satin rose ou bleu des plus clinquants à chaque fenêtre, ce qui rend l’ensemble peu harmonieux. Ce train est express, il mettra « seulement » 2h40 pour atteindre Kaluga, à 200km de là… Mon TGV Paris-Metz, soit environ 350km, met 1h23… On apprendra plus tard que les trains non express (les elektrichka) mettent 3h45 et s’arrêtent à toutes les gares… Les contrôleurs (en fait, presque uniquement des contrôleuses) voyageront avec nous, dans chaque voiture. Ils assurent aussi la sécurité des passagers.

Nous arrivons à Kaluga, à 200km donc, au sud-ouest de Moscou à 21h45. Après le lever tôt, le vol, les multiples transits et le décalage horaire, on arrive un peu tannés. Un taxi nous attend pour nous amener à notre hôtel. Le mien est le Kaluga 21 (pour 21ème siècle) et mes 2 collègues logeront dans un autre hôtel plus haut sur la Kirova. La Oulitsa Kirova est la grande avenue qui traverse Kaluga de bas en haut. Nous n’avons presque pas mis un pied dehors mais il ne fait pas trop froid en ce mois de mars. Comme demain nous prendrons le bus pour aller à l’usine de Rosva qui se situe à 40 min de Kaluga, mes 2 collègues me donnent rendez-vous devant un kiosque à côté de mon hôtel le lendemain, pour prendre le (bon) bus ensemble.
Le Kaluga 21 se veut l’hôtel le plus chic de la ville. Il se situe dans le centre commercial du même nom, plutôt récent. J’ai déjà hâte d’aller voir ce qu’il s’y vend. Ce sera peut-être pour le lendemain.
L’enregistrement à l’hôtel est rapide. Chaque étranger est déclaré par l’hôtel aux autorités russes. Bref, on sait à chaque instant où vous êtes ! L’hôtel est en général assez vieillot et super triste. Même la musique d’ambiance vous donne envie de vous jeter par la fenêtre… La chambre est grande et moderne, mais la déco d’un autre temps. Ce sent un peu les années 80 européennes démodées. Il y a des froufrous, des satins, des ors, ça brille, c’est too much. Il fait environ 30°C dans la chambre, comme partout dans ce pays. Idem dans le train, on peut s’y balader en manches courtes sans problème. La 1ère chose que je fais est d’ouvrir les fenêtres (il fait dans les -5°C dehors). Moi qui ai apporté tous mes pulls en cachemire… contre toute attente, je vais mourir de… chaud !
J’allume la télé pour un peu de présence. Il n’y a que des chaines russes auxquelles je ne comprends rien du tout malgré mes quelques heures de cours de russe. Il est tard, la journée a été longue, je me lève tôt demain, je me couche avec toujours 30°C dans la chambre.
Le lendemain, la chambre me paraît encore plus triste, tout comme le petit-déj de l’hôtel chic. Je rejoins mes collègues devant le kiosque. Des dizaines de bus passent, s’arrêtent, chargent des travailleurs. Un réseau de bus de ramassage est organisé par toutes les usines de la région. L’entreprise qui m’emploie elle aussi. Il y a bien des panneaux sur les bus mais comment reconnaitre le nôtre quand on ne sait pas lire ?! Après un assez long moment de solitude à 3 (??!!), un de mes collègues reconnait un collègue russe qui attend comme nous. On est sauvés !
J’observe que les bus datent d’une époque mais pas de la nôtre… La plupart des bus est à gaz, avec de grosses bouteilles sur le toit… Tout ça pour nous rassurer…
Comme notre arrêt est l’un des derniers avant le départ vers l’usine, nous montons dans un bus bondé sous 35°C. Le chemin sera long dans ce bus tape-cul surchauffé, sur une route défoncée par le gel.
40min plus tard, nous arrivons à l’usine de Rosva, perdue en pleine campagne. L’usine est encore en construction : les bâtiments sont terminés mais ils sont encore vides. Nous nous installons dans des bureaux provisoires, les locaux des bureaux de l’usine n’ont pas encore été livrés. Là, c’est la ronde des talons aiguilles, tout en élégance et non discrétion… Je ne sais pas comment s’est fait le casting, pardon, le recrutement mais on croit deviner rapidement… Une armée d’assistantes, traductrices et jeunes ingénieures sont sur le projet depuis des mois. La population est composée de 80% de jeunes femmes et de 20% de chefs (hommes et la plupart Français). C’est la valse des stéréotypes, j’ai l’impression d’être dans un épisode de Strip Tease (vous vous souvenez de cette émission belge qui passait sur France 3 ??). L’épreuve de la cantine (provisoire elle aussi) nous réserve aussi son lot de tristesse : soupe claire, viande en sauce ou boulettes de poissons (odorantes) et céréales de je ne sais quoi. La boisson proposée est de la Kompott. Attention aux faux amis, la kompott est le jus que rendent les fruits mis en bocaux en été et qu’on ouvre en hiver.
Bref, on est là pour rester concentrés, bosser, avancer sur les sujets chauds du moment. Nous faisons une visite de l’usine en chaussures de sécurité, gilet réfléchissant jaune fluo et casque de chantier. Les filles russes me regardent bizarrement : c’est donc à ça que ressemble les Parisiennes ?  Elles ne sont pas en smoking YSL ni en escarpins Chanel ? Nous aurait-on menti ?...
La semaine se passe à peu près comme ça. Je n’ai pas l’occasion de visiter Kaluga ni même le centre commercial au pied de mon hôtel, nous rentrons trop tard de l’usine.
Notre vol décollera de Moscou le samedi après-midi. Nous décidons d’aller nous promener dans Moscou le matin même. Notre train partira de Kaluga à 7h samedi ce qui nous laissera quelques heures pour la découverte de la capitale russe.
Samedi matin, nous laissons nos bagages à la consigne de la gare d’arrivée. Nous irons les chercher avant de prendre la route vers l’aéroport.
Nous allons directement place rouge, évidemment ! Il fait froid, il y a du vent, n’est-ce pas la meilleure ambiance pour découvrir Moscou ? La place est en effet très grande, entourée du Kremlin, du Mausolée de Lénine, de la Cathédrale Ste Basile (celle qui ressemble à de grandes glaces à l’italienne multicolores, ou au château de Disney, selon les références de chacun), du Goum (la galerie commerçante de luxe de Moscou) et du musée de l’Histoire (le bâtiment bordeaux) qui fait face à la Cathédrale Ste Basile. Nous décidons de visiter la Cathédrale Ste Basile, d’un intérêt limité finalement, et le Kremlin, qui abrite la Cathédrale de l'Archange-Saint-Michel, la Cathédrale de l'Annonciation, le Palais à Facettes, le Palais des Térems, l'Eglise de la Déposition-de-la-robe-de-la-Vierge, la Cathédrale de la Dormition de Moscou, le Palais du Patriarche, l'Eglise des Douze Apôtres, le clocher d'Ivan le Grand ainsi que le Grand Palais du Kremlin, le Palais des Armures, le Palais des Menus Plaisirs, l'Arsenal du Kremlin, le Palais des Congrès du Kremlin, le Palais du Sénat (palais présidentiel). Le Kremlin compte également un parc et une salle de spectacle. Les jardins offre une superbe vue sur la Moskova, le fleuve qui traverse la ville.
Nous assistons à la relève de la garde entre le Kremlin et la place du Manège et nous promenons dans les jardins d’Alexandre et ses multiples fontaines (super kitsch) agrémentées de statues de Zourab Tsereteli illustrant les contes de Krylov, le La Fontaine russe.
Nous décidons d’aller déjeuner au Elki Palki, un resto de chaine traditionnel russe. Nous dégustons un bon borsch (la soupe traditionnelle à la betterave, certains diront qu’elle est russe, d’autre ukrainienne) et des piroschkis qui sont de petites brioches fourrées soit à la viande, soit à la pomme de terre, soit aux champignons, soit au chou. C’est vraiment très bon et en plus, ça nourrit.
Nous laissons là nos collègues et nous prenons le chemin de la gare pour récupérer nos bagages. Après nous être perdus dans le métro, enfin, pas vraiment perdus puisqu’en fait c’est une correspondance qui était fermée entre 2 lignes, nous atteignons la gare de Bielorusskaïa de l’Aéroexpress qui nous amènera à l’aéroport.

En résumé, la semaine a été très très dense au bureau. La vie russe est plutôt triste et monotone d’autant plus qu’on a quitté l’usine tard tous les jours. Les trajets en bus entre Kaluga et l’usine sont longs et pénibles.
Le service dans les restos est extrêmement lent et très amateur. Le pays n’est pas (encore) passé à la société de service ni même de consommation mais ça vient. Bref, à la fin de la semaine, le mal du pays m’envahit et je suis bien contente d’atterrir à Paris.
Je peux maintenant me faire une petite idée de la vie russe à Kaluga, avant de démarrer mon expatriation de quelques mois à partir de septembre. C’est pas gagné…




Mon expatriation commencera par un mi-temps russe et un mi-temps français de septembre à décembre. Ce sera une manière de m’acclimater à ma nouvelle vie russe en plusieurs étapes. Nous démarrerons notre collocation dès septembre, ma colocataire française sera à Kaluga à plein temps dès la rentrée. Elle arrivera la 1ère à Kaluga et sera en charge de nous trouver un appart et si possible une 3ème colocataire, russe idéalement.
Véro nous trouve un appart immense dont elle m’envoie les photos par email. Je lui fais confiance, elle a visité quelques apparts en peu de temps, elle sait. Il y a 3 chambres, un grand salon communautaire, une grande cuisine communautaire aussi et 2 salles de bain. Pour 3 filles, c’est le top du top. L’appart est assez peu meublé mais on est enthousiastes. D’autant plus que Véro nous a trouvé une 3ème colocataire russe qui est traductrice à l’usine. C’est juste absolument parfait pour nous 2, mais aussi pour Polina qui donne des cours de sport pile en face de notre appart. Tout ça commence parfaitement ! Le 105 Lenina oulitsa (105, rue Lénine) sera la colocation des filles franco-russes !
J’arrive à l’appart mi-septembre. Véro sera de retour en France quand j’arriverai et Polina commencera la colocation début octobre. Rémi m’attend à la gare de Kaluga pour me donner les clés de mon nouveau chez moi et m’y accompagner. Je ne sais absolument pas où il est. Arrivée à la gare, nous décidons d’aller dîner d’abord puis un taxi nous amène à ma nouvelle adresse. Je suis avec Rémi et Armand, 2 collègues qui sont bien serviables. Arrivés devant la porte, clé en main, pas moyen d’ouvrir la porte, la serrure doit être cassée. Il est 23h, personne ne répondra à l’agence ni même Svetlana, la collègue russe qui a aidé Véro dans ses recherches.
Nous décidons d’aller à pied à l’hôtel Kaluga 21 si triste. Rémi, Armand, ma valise de 32kg et moi marchons sur la Kirova enneigée. Y a mieux pour une 1ère nuit d’expat mais c’est comme ça. Arrivés à l’hôtel, le réceptionniste me vend sa soi-disant dernière chambre qui est une suite (à d’autres !) mais je ne me sens pas de négocier, c’est pour une nuit seulement.
Le lendemain, je prends contact avec Véro qui me dit qu’en effet, le matin même de mon arrivée, quand elle partait à la gare de Kaluga pour rejoindre l’aéroport à Moscou, elle n’avait pas réussi à sortir de l’appart par la porte d’entrée qui était bloquée. Elle pensait que c’était un problème avec sa nouvelle clé, un double qu’elle venait de faire faire à Kaluga. Elle était sortie par la porte-fenêtre de sa chambre dont elle a la clé. Bref, que d’aventures…
Le soir même, j’ai rendez-vous avec Svetlana à l’appart. Elle avait appelé le propriétaire qui s’était occupé de changer le verrou dans la journée. Elle a la nouvelle clé et enfin je peux m’installer dans mon nouveau chez moi russe. L’appart est en effet immense mais triste. Les meubles sont sombres, les tapis sont sombres mais l’appart est tout en fenêtres. La journée, ce sera différent !
J’ai amené dans ma valise mes draps, un dessus de lit coloré, quelques décorations pour me sentir chez moi (d’où la valise de 32kg !). Je me mets devant ma série du moment : Dexter. Après quelques épisodes, j’éteins et je me marre toute seule dans mon grand lit: quelle idée de regarder Dexter seule dans ce grand appart inconnu et vide !

Le lendemain matin, je prends le chemin de l’arrêt de bus. Véro, en parfaite colocataire, m’avait fait un plan du chemin à suivre et de l’horaire de passage du bus. J’y arrive tôt et rapidement, Olga, une collègue russe, me rejoint à l’arrêt. Elle m’apprend qu’elle habite au 100 rue Lénine, en face de chez nous ! Quelle bonne surprise ! Je me sens immédiatement moins seule.
Les semaines passent et Polina nous rejoint dans la colocation. Je suis à ce moment-là en France pour 2 semaines. Je la rencontrerai donc dans 2 semaines, mi-octobre.
Qui dit emménagement dit crémaillère et FETE ! Nous attendons l’installation de Polina pour fixer une date de crémaillère qui sera la début d’une longue liste de crémaillères et de FETES ! Notre gentil et serviable chauffeur du week-end nous amène à l’hypermarché Raduga en périphérie de la ville pour faire les grandes courses : tous les ingrédients pour des quiches, cakes salés et sucrés, salades et autres sucreries, sans oublier les boissons et Vodka, comme il se doit ! Notre chauffeur regarde se remplir le caddie à la vitesse de la lumière et se demande qui va manger tout ça… Il organise notre caddie de façon méticuleuse, est-ce que tout rentrera dans sa voiture ?? Nous invitons des tas et des tas de gens, Véro connait tout le monde. Polina convie également quelques amis qui ne travaillent pas à l’usine. Une première pour nos collègues russes qui habitent encore chez leurs parents pour la majorité. Rapidement, ils décident qu’ils aiment beaucoup les crémaillères et que c’est un bon  prétexte pour faire la FETE ! Toute la troupe finit en boîte, sauf moi. Je range et j’essaie de redonner vie à l’appart. On devait être 50, c’était une très belle FETE, on a tous bien mangé et surtout bien bu ! Je rappelle à mes lecteurs que nous sommes en Russie…

Polina est différente des autres filles russes. Elle a décidé de quitter ses parents pour vivre ailleurs. La grande majorité de nos collègues, filles comme garçons célibataires, vivent chez leurs parents. Dans la grande majorité aussi, ils se marient plutôt tôt, au début de la 20aine. Il arrive souvent qu’au début du mariage, les couples vivent chez leurs parents ou beaux-parents. Communisme oblige, la vie en communauté est courante mais la jeune génération est attirée par une vie plus moderne donc plus indépendante. Cependant, compte tenu du prix des loyers (notre loyer est de 48.000 Roubles soit près de 1200€ à ce moment-là) et du prix de vente des appart, ils y sont souvent contraints. J’ai appris qu’un ouvrier de l’usine gagne l’équivalent de 300€ et qu’un jeune ingénieur peut s’attendre à 1500€/mois. Néanmoins, à la chute du communisme, des titres de propriété ont été donnés aux habitants des appartements et maisons. La population a donc accédé à la propriété « gratuitement ». A la mort de grands-parents, par exemple, les jeunes couples de petits-enfants peuvent s’y installer. Malgré cela, ils « héritent » bien souvent d’appartement très vétustes dans des immeubles très anciens sans le confort moderne.
Les magasins proposent absolument toutes les marchandises qu’on peut imaginer. Cependant, tous les biens de consommations courantes restent chers car la plupart du temps, ils sont importés et soumis à de très fortes taxes de douane, pour protéger le marché national. Vous devinez maintenant pourquoi les constructeurs auto du monde entiers s’installent en Russie : en plus d’une main d’ouvre locale moins chère, les véhicules produits en Russie ne sont pas soumis à taxes douanières, évidemment. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, les véhicules produits en Russie sont destinés à la Russie, à l’Ukraine et à quelques autres pays de l’ex bloc soviétique mais absolument pas aux marchés de l’Europe de l’ouest. Les véhicules ont été adaptés aux marchés : un coffre et non un hayon, un équipement grand froid, des renforts sous caisse à cause des routes abîmées.
Donc, les biens de consommations courants restent en effet chers. Alors tout est relatif : ce sont les mêmes prix d’en France, un peu plus cher pour certains types de produits mais le pouvoir d’achat ici est bien différent du nôtre. Nous ne sommes pas les rois du pétrole en Russie. Certes, les resto sont moins chers (mais de qualité et de service moindres aussi) mais quand je fais mes courses dans une petite épicerie du coin, bah ce n’est pas bon marché. Ok, certains vous dirons que je fais mes courses dans le Hédiard local, ce qui n’est pas totalement faux… Ma théorie est la suivante : je vis avec des tas de contraintes, donc il faut se débarrasser de celles qu’on peut : aller faire des courses dans une épicerie sympa avec de beaux produits en fait partie. En plus, pour ma défense, je n’ai pas de voiture donc je fais les courses en centre-ville, près de ma maison russe donc forcément, c’est plus cher. Les courses sont elles-même une expérience. En effet, le réflexe de tout à chacun quand on ne connait pas un produit (en France, je suis en mode automatique, l’image sur la boîte me suffit, j’achète tout le temps les mêmes produits), on le prend en main et on en lit l’étiquette. Bah en Russie, je suis analphabète donc ce réflexe me fait marrer à chaque fois. Je prends le produit dans ma main, je lis l’étiquette, je ne comprends évidemment rien mais j’ai le réflexe de lire quand même, je me marre et je repose le produit. Comme il faut savoir prendre des risques, j’ai acheté quelques produits en ne sachant ni ce que c’était ni comment ça se cuisine : double risque. Voici mes péripéties avec des pilmenis (des raviolis) congelés à je ne sais quoi… Il n’y pas de de dessin de quoi que ce soit mais comme le sachet est transparent, je vois que ce sont bien des pilmenis, risque limité. Je rentre, je range mes courses au frigo, le dîner du lendemain arrive, je plonge mes pilmenis dans l’eau bouillante, normal. Au bout de seulement quelques minutes, je mélange un peu et je me retrouve avec une grosse et unique boule de pâte gluante : les pilmenis se sont disloqués et une odeur de poisson fumé me monte au nez. Ok, mauvaise pioche : pilmenis au poisson fumé (beurk) qu’il aurait fallu que je plonge encore congelés dans l’eau bouillante… A la poubelle les pilmenis, poubelle que je m’empresse de sortir tout de suite malgré la neige et les -20°C pour éviter le risque de me faire sortir de la coloc pour cause d’odeur suspecte !
Le week-end, il y a l’immense marché de la ville qui dure toute la journée. Là, on peut voir les produits bruts et parler avec les mains. Des babouchkas (grand-mères) s’installent en périphérie du marché pour vendre leur production locale et privée : quelques oignons, pommes de terre ou carottes. A la chute du régime, les retraites se sont effondrées et ce sont les petits vieux qui ont en le plus bavé. Il y a même une grand-mère, assise sur une chaise au milieu du marché, avec des sacs en plastique attachés avec des épingles à nourrice sur son manteau. C’est la dame sachets. Elle m’a fait tellement pitié que j’ai bien failli lui filer ma paie.
Cœur sensible s’abstenir, la viande est à même les étales en bois, hiver comme été… Les poissons sont suspendus par l’œil, fumet délicat…
Il y a évidemment toutes sortes de fruits et de légumes.
Le marché est compartimenté par marchandise : le coin de l’alimentaire, le coin des chaussettes, des slips, des chaussures, des nappes, de la quincaillerie, des bonnets et des chapkas (chapeaux). Alors là les gars, la chapka en renard argenté à 100€ et en vison à peine plus, j’y suis allée franchement ! Ma collègue dévouée, Olga, m’a accompagnée pour la négo mais surtout pour me faire la traductrice : entre le vison, la marmotte, le renard, le castor et le porc-épic (je blague !), il y en a pour tous les goûts.

Nous avons l’immense chance d’avoir des collègues français absolument adorables qui viennent nous chercher tous les matins devant chez nous. Nous partons plus tôt que le bus mais c’est tellement moins fatiguant !
Comme nous montions au dernier arrêt du bus avant le départ vers Rosva, nous étions bien souvent debout (au secours la sécurité !).
Au bureau, les équipes projet sont toujours dans des bâtiments provisoires accolés à l’usine. Nous traversons donc plusieurs fois par jour l’usine en travaux. Pour des raisons de sécurité, nous devons nous équiper de chaussures de sécurité, d’un gilet jaune et d’un casque de chantier pour atteindre notre bureau. Nous croisons tous les jours les travailleurs du chantier de gros œuvre. Ce sont pour la plupart des Ouzbeks qui travaillent sur le chantier depuis des mois. Ils sont logés dans des hangars non isolés à côté de l’usine dans des conditions déplorables.
Mes collègues se moquent de moi parce lorsqu’on les croise dans l’usine, les gars du chantier me fixent réellement. Mes collègues me mettent en garde et me disent qu’il risque de m’arriver des bricoles… Bref…
La nouvelle cantine nous réserve au début de drôles de surprises. Même les traductions en anglais nous aident souvent peu. Comme tout se ressemble : petits morceaux de viande en sauce, boulettes arrosés de soupe et de la kompott, il est assez difficile de s’y retrouver. Notre consolation reste les piroshkis salés et sucrés qui nous ont réservés des surprises eux aussi. Saviez-vous que « liver », bah ça veut dire « foie » ?? Je peux vous assurer que les piroschkis au foie, bah c’est pas bon !

Les semaines se suivent et se ressemblent. Comme nous nous levons tôt, qu’il fait jour 3h par jour et que nous rentrons du travail tard, j’ai hiberné de novembre à mars. Les week-ends sont réservés aux courses, aux balades au marché, aux rendez-vous avec ma collègue Elena aux « 10 tasses ». Je sais maintenant commander moi-même : blini v krasnaïa ikra y gribi crema (crêpes au caviar rouge, en fait, œufs de saumon et soupe de champignons) dont je me nourris presque exclusivement dans ce resto. J’apprends des expressions français à Elena qui est une élève exceptionnelle : elle se souvient d’absolument tout et en plus, elle l’utilise de la bonne manière et dans le bon contexte.
Je me baladons aussi assez souvent avec mon collègue Armand, le Camerounais du service logistique. Le peuple russe est malheureusement assez connu pour être fermé aux autres populations, dirais-je de façon politiquement correct. Les regards sur Armand, et même sur nous deux - les russes nous prennent pour un couple - sont toujours surpris, souvent méfiants et quelque fois clairement agressifs. Ça me laisse un sentiment de déception et de rancœur.

Les dimanches après-midis sont souvent consacrés à la diffusion d’un film dans le salon communautaire. Comme notre appart est le plus grand, nous faisons salle de cinéma pour les potes. Nous mettons toujours environ 2h à nous mettre d’accord sur un film qui est toujours finalement naze. La soirée se termine souvent autour de la table de la cuisine communautaire. Un collègue resté en France appelle notre appart « la maison du bonheur » et j’aime beaucoup l’idée. En effet, notre maison du bonheur est bien souvent le lieu de ralliement du week-end : soirée crêpes, soirée tartiflette, soirée galette des rois (oui oui, importées directement de France), soirées télé, soirées nazes, soirées « et si on disait du mal ?! ». L’appart des filles est bien douillet, on s’y sent bien tous ensemble. L’expatriation a ce secret de rassembler et de rapprocher les collègues. Nous n’y avons pas fait exception et j’aime beaucoup ça.

Arnaud me manque beaucoup, évidemment. Il est complètement absent de cette nouvelle vie russe. Je l’appelle très souvent, nous nous écrivons des centaines d’emails tendres. Nous avons institué le rituel du petit-déj du samedi et du dimanche matin. Il m’a offert un IPad (que j’aime d’amour… l’IPad, pas Arnaud… enfin si, lui aussi…) qui nous permet de Facetimer. Qu’est-ce que Facetime ? On s’appelle via internet avec le Facetime d’Apple, lui de son IPhone, moi de mon IPad adoré et nous pouvons communiquer mais aussi nous voir. Je pose mon Ipad sur la table de la cuisine et je prends mon petit-déj avec Arnaud, au levée du lit, en pyjama et la tête en vrac. Nous adorons ces moments où nous nous racontons notre semaine et nos projets pour la journée. De temps en temps, une colocataire passe dans le champs de la caméra derrière moi. C’est ce que préfère Arnaud !

Courant février, nous décidons d’aller entre collègues et maris/femmes de collègues russes d’aller à Ethnomir, entre Kaluga et Moscou. Nous sommes environ 12 répartis dans 3 voitures. Ethnomir est une reconstitution d’un village russe d’époque, avec son four à pain communautaire et ses maisons traditionnelles. Il y a également des yourtes et des groupes se succèdent sur le podium pour jouer de la musique traditionnelle. Des animations sont organisées, des jeux et des danses.
Nous y trouvons également des pavillons de pays étrangers, avec des meubles, de la décoration et des objets typiques du pays. Nous rions bien en voyant le pavillon français, le belge, le luxembourgeois, l’allemand, bourrés des stéréotypes les plus classiques.
Nous nous promenons sous la neige et dans une 20aine de cm de neige au sol. On est réellement dans l’ambiance.

Quelques semaines plus tard, nous participons à la reconstitution d’une bataille napoléonienne (devenez qui gagne ? Bah les russes, sans ça, c’est pas celle-ci qui serait célébrée tous les ans !) dans la campagne à environ 2h de Kaluga. Les troupes françaises et russes sont en place sur leurs chevaux, en costumes d’époque. Tous les détails sont soigneusement reproduits par les participants amateurs et passionnés. Les ordres en russe et en français fusent, les coups de feux et les coups de canon (à blanc, évidemment) nous explosent aux oreilles.  Les Russes ont une réelle passion et un réel respect pour Napoléon. Les campagnes russes napoléoniennes ont dû avoir une place particulière dans les livres d’histoire russe. Tous me demandent si je suis allée voir le tombeau de Napoléon aux Invalides et sont surpris par ma réponse négative.

Le dégel commence, la ville se décongèle complètement, la neige devient gadoue (j’ai acheté des bottes en caoutchouc chez Aigle !) et la ville est dégeu : les tas de neiges stockés au bord des rues fondent, on peut voir les ordures qui se sont amoncelées réapparaitre… La neige sur les toits fond et l’eau poussiéreuse dégouline sur nos têtes. C’est une période assez triste même si on sait qu’elle annonce la fin de l’hiver. Les intersaisons sont courtes, le printemps arrivera vite.

Les moins mauvais jours arrivent enfin, j’essaie de rameuter les foules pour un week-end à Moscou. Nous sommes finalement 4 à prendre le train de 7h samedi pour arriver à Moscou avant 10h. Nous nous promenons dans la ville : place rouge évidemment, je n’ai pas eu envie d’aller voir le cadavre de Lénine dans son Mausolée mais mes collègue y sont allés, le Goum pour rêver un peu. J’ai réservé une nuit dans une auberge de jeunesse (on fait des concessions quand on est en groupe…) qui, contre toute attente, était vraiment très bien. C’est presque à se demander pourquoi aller à l’hôtel. Nous sommes maintenant à l’aise dans le métro. Nous savons où nous allons et comment on y va.
Nous nous baladons dans la Arbat Oulitsa, la rue commerçante pour touristes avec des tas de souvenirs les plus kitchs et au bout de la rue,

Le 2nd week-end à Moscou s’organise avec d’autres collègues dans une autre auberge de jeunesse un peu moins sympa… Les chambres sont réellement des dortoirs aux lits superposés en fer blanc. Les douches sont vieilles mais pas sales, c’est déjà ça. Deux collègues russes nous y accompagnent, elles ne connaissent pas encore Moscou. Nous décidons d’aller place rouge, comme toujours, puis nous embarquons à bord d’un bateau sur la Moskovskaïa. Il fait beau, nous profitons du paysage qui défile : le Kremlin, les jardins d’Alexandre, l’église du Christ Sauveur (là même où les Pussy Riot ont donné leur concert qui leur a valu la prison) et le parc Gorki.  Nous visitons la maison de Gorki, de style Art Deco.

Dès le printemps, Kaluga est en fleurs : les arbres fleurissent dans toute ville et je me souviens très bien avoir attendu Elena devant la théâtre sous des lilas odorants.

Lors des premiers beaux jours, nos collègues russes organisent un pique-nique barbecue dans la forêt à proximité de Kaluga. Presque tout le service est présent et l’ambiance est à la fête. Nous nous connaissons tous très bien maintenant et nous nous apprécions tous beaucoup. Chacun est venu avec sa contribution et l’organisation est à la bonne franquette. Nous passons un très bon moment tous ensemble, en dehors du contexte de travail qui est toujours très lourd. Nous travaillons tous beaucoup et nous sommes très solidaires. Ces moments de détente sont appréciés de tous et nous en avons réellement besoin.

La fin de mon expatriation approche. Je demande à mon chef qui me remplacera sur mes activités. Olga, ma collègue que je préfère et dont je suis évidemment la plus proche, commence à s’ennuyer un peu sur son poste. Je lui parle de mon départ dans quelques semaines et lui demande si ça peut l’intéresser. Elle a l’air flattée et ravie, pourquoi pas un nouveau challenge ! J’en parle à mon chef, tout le monde et d’accord et je commence sans tarder à la former. Je ne parle toujours pas russe, j’ai vite abandonné l’idée. Je formerai ma pauvre Olga en français, ça va être dense pour elle, encore plus dans une langue étrangère. Je passe donc la main à ma collègue russe Olga, la boucle est bouclée.

Mon dernier jour à l’usine est vécu comme un soulagement : j’en bave encore pas mal avec les fournisseurs russes que je suis depuis des mois. Je vis toutes mes « dernières fois » : dernière fois que je fais le trajet Kaluga-Rosva, que je passe le portail de l’usine, que j’ouvre mon casier pour mettre ma tenue de combat : chaussures de sécu - casque de chantier – gilet fluo. Là, grande surprise : le casier que je partage avec Géraldine (la pauvre : l’odeur de mes chaussures de sécu depuis des mois…) a été quelque peu redécoré : papier toilette et riz (arborio, la classe !) partout dans le casier, dans mes chaussures, et même collés au scotch double face sur le dos de mon gilet jaune. Mon casque a été décoré d’une magnifique crête en pâte noire, celle qui sert à sceller les caisses en bois remplies de pièces auto ! Cette dernière journée commence bien, je ne passe pas inaperçue parce que je décide de porter la crête et le gilet jaune customisé toute la journée ! Je fais le tour des bureaux pour dire au revoir à mes collègues. Certains me manqueront, d’autres moins…

Qui dit départ du projet dit FETE !! Le thème de la soirée : noir et rose, bien sûr !
Je suis la 1ère a quitté le projet alors la 1ère FETE d’adieu va être spéciale. J’invite un tas de monde, malheureusement ma Véro ne sera pas là, c’est là ma grande déception de la soirée. Les 1ers arrivés sont mes collègues les plus proches. Ils arrivent tous les 4 déguisés en poupées russes : rose aux joues, rouge à lèvres, fichu traditionnel russe sur la tête et chemisier du même type achetés au marché le jour-même. Ça faisait longtemps qu’on ne m’avait pas surprise autant et que je n’avais pas tant ri.
A mon insu, Véro avait changé le thème de la soirée en « Matriochka » que j’affectionne tout particulièrement. Les matrochkas sont les poupées russes traditionnelles en bois. J’en ai acheté des 10aines, pour mes neveux et nièces, pour les enfants de mes amis, pour les neveux de mes amis, bref, pour la région entière ! J’ai moi-même une jolie collection que j’aime tout spécialement.
Tous les invités arrivent déguisés en poupées russes, tous plus beaux les uns que les autres. La FETE est très belle, je suis émue mais contente de rentrer chez moi, de retrouver Arnaud et ma vie d’avant. La soirée se finit en boîte, pour l’unique fois avec moi. Nous sommes le 30 juin, mon vol est le lendemain après-midi, 1er juillet. Je me rends compte que quelques-uns vont réellement me manquer mais je sais aussi que je reverrai les Français à Paris. Mes adieux à Elena et Olga me brisent littéralement le cœur. Je me souviens très bien pleurer dans les bras d’Olga en pleurs elle aussi. Tellement de souvenirs ici, une page qui se tourne, le retour à ma vie d’avant, pareille mais différente.
Je rentre seule à pieds à la maison. Au loin je vois le soleil se lever. Il est tard ou plutôt tôt. Dans quelques heures je serai dans l’avion du retour des souvenirs pleins les yeux et des rencontres plein le cœur.
J’ai tellement peur d’oublier ces moments-là que je veux impérativement les écrire.

Quelques mois plus tard, je serai la témoin de mariage d’Elena, qui a rencontré son futur mari à l’usine de Rosva également, le jour même de ma FETE de départ.
Je suis toujours en contact avec Olga. On s’écrit régulièrement, on se raconte nos vies. A chaque fois que je suis en vacances, en déplacement pour mon travail et même quelques fois quand je suis simplement à Paris, je lui envoie une carte postale. Elle doit en avoir des dizaines maintenant et est toujours aussi contente de les recevoir.

Cette 1ère expérience de projet et d’expatriation gardera malgré tout un goût doux-amer : tellement de belles rencontres, de jolies découvertes, une expérience exceptionnelle mais aussi tellement de travail dans un environnement hostile. Rien n’est simple en Russie mais j’y ai rencontré des personnes tellement attachantes. C’est aussi ça ce pays : des tas de contrastes.


Bizzzz à tous et à bientôt pour d’autres aventures !
A sans A